CHAPITRE XII
CONSIDÉRATIONS SUR
LA PERSONNE
DE LA TRÈS SAINTE
VIERGE
« Il y a des choses dont je ne puis parler actuellement.
Excusez-moi. Quand on me les demande, je réponds par la négative sur ces
apparitions, de l'avis même de la Très Sainte Vierge. Elle m'a défendu d'en
parler, sauf à quelques âmes pieuses. Encore ne puis-je tout dire. Elle m'a
dit : « Je laisse à votre prudence de dire tout ce que vous
voudrez. »
« Elle donne toujours dans Ses fêtes. Il y a des lumières qui
sont intimes : il faut les garder. On ne peut dire ces choses-là à l'extérieur.
Croyez-vous que je sois digne de La voir ? Ce sont des faveurs gratuites,
imméritées. »
« La Très Sainte Vierge est vêtue de bleu foncé avec un voile
blanc ; mais, quand Elle remonte au ciel, Elle semble revêtir un vêtement blanc.
On croirait qu'Elle dépouille Son habit bleu ; il semble blanchir au moment où
Elle disparaît. Catherine Emmerich lui donne soixante-quatre ans ; je la crois
un peu plus vieille : soixante-six. Je ne saurais pas dire du tout l'âge de la
Sainte Vierge d'après Son aspect ; il est absolument indéterminé. Elle est belle
au suprême degré, mais non d'une beauté sensuelle. Quand Elle est en face de Son
Fils, Elle rayonne d'amour. La Sainte Vierge a la parole un peu plus rapide que
Lui. »
« Un jour, une femme sculpteur m'avait fait la Sainte Vierge
avec une tête penchée :
— Et pourquoi, Madame ?
— Elle a l'air mystique ainsi.
— Mais que non ! Elle n'a pas l'air mystique ! Elle est là ;
Elle vous regarde en face, tout bonnement, et c'est bien. Tout bonnement, et
c'est très bien. »
A une de ses fréquentes visites à la chapelle de la rue du Bac,
montrant le groupe de Sœur Labouré agenouillée devant Marie : « Ce n'est pas
cela, mais il y a quand même quelque chose. La Très Sainte Vierge n'est pas
grosse comme ça : elle est toute mince, toute menue. Cependant, il y a quelque
chose de Son sourire. Elle fait bien ce geste-là. Elle n'est pas maniérée avec
Ses enfants. Le voile est bien posé, comme dans la réalité ; c'est plus joli que
cela ; il est aussi simple, mais plus gracieux. C'est bien Ses cheveux, Son
bandeau. C'est, humainement, ce qu'on peut faire. »
« Quelle bonne odeur règne dans cette chapelle (rue du Bac) !
Dans tous les lieux où Elle s'est arrêtée, on sent le parfum des vertus de la
Très Sainte Vierge. Ils n'ont rien de terrestre, comme celui des fleurs du ciel.
On dit qu'ils se rapprochent de l'odeur des roses, des lis... ce sont des
figures grossières. Il n'y a aucune analogie. Les apparitions de la Vierge à
Catherine Labouré valent celles à Bernadette, mais les Parisiens aiment à aller
en promenade. Venir ici, c'est seulement faire une course ! »
« Les anges sont bien mieux comme apparence que la Sainte
Vierge. Avec ces beaux reflets, qui changent incessamment de place sur leurs
vêtements blancs, ils ont l'air de brillants officiers autour d'Elle, si simple.
Je parle de la Très Sainte Vierge indépendamment de Sa lumière. Quand Elle se
montre dans ce que je pourrais appeler Sa grande gloire, Elle est un peu
effrayante, car le soleil n'est qu'une lumière à côté. Ce que je disais, c'est
quand Elle conserve seulement Sa petite gloire. »
« Avec quelle simplicité et quelle affection les anges
L'entourent ! Dieu Lui en a donné des milliers et des milliers. Elle les connaît
tous par leur nom. Eux ne La connaissent que sous un nom : « Reine ». Chacun
d'eux a sa physionomie particulière, mais tous sont aussi beaux. Les anges
L'appellent « Reine » d'un ton très respectueux, et quand Elle s'adresse à
l'Archange, Elle lui dit tout simplement : « Gabriel », d'un ton très maternel.
Elle considère les anges avec un regard doux et direct. »
« Son Immaculée-Conception est, de la part de Dieu, une faveur
gratuite. Elle le sait bien. Mais, comment rendre la bonté et la condescendance
de la Sainte Vierge dans ses paroles ? Tout ce que je répète semble déformé
quand ce n'est plus dans Sa bouche. »
« Elle n'a jamais été saisie par une nuance de faiblesse
humaine. Femme, Elle l'a été ; Mère, Elle l'est, mais dans toute la noblesse du
mot. Quand on entend parler la Sainte Vierge, c'est correct, et tellement
évangélique ! Quand Notre-Seigneur parle, c'est bien ; quand c'est la Sainte
Vierge, c'est aussi bien. Je ne me porte pas théologien : Je n'ai jamais
distingué, à la voix près, entre les paroles de la Très Sainte Vierge et de
Notre-Seigneur. »
« Dans la Sainte Vierge, la joie surabonde. Elle a la plénitude
des joies du ciel. Essayer de définir sa joie est pour moi l'impossible. Il
faudrait un bon théologien, et encore ! »
« La Sainte Vierge dit : « Je donne toujours ». Un jour qu'Elle
parlait avec une sainte, Elle répondait à une de ses demandes : « Mais je n'ai
rien promis, je n'ai rien promis ! » en riant de tout son cœur. »
« Elle est infiniment bonne, mais ne nous passe rien. Je ne L'ai
jamais vu faire de compliments, mais plutôt des reproches maternels. Qu'est-ce
qu'Elle peut louer dans un homme ? Le démon est capable de faire des
compliments : « Vous serez comme des dieux ! » De pauvres dieux et de tristes
dieux ! Elle semble dire : « Regardez ce que vous avez coûté à mon Fils !
Et pour quelles bêtises vous faites des péchés ! »
« En vous écoutant, Elle écoute des centaines de mille, le
million de voix qui L'implorent. Elle nous écoute tous, mais Elle a une
prédilection pour la prière humble et confiante des petits. Des prières
impératives, il ne faut pas les écouter beaucoup. Elle aime la simplicité. Je
reçois des lettres avec des primo, des secundo... Elle n'aime pas
ces mécaniques. Pour moi, je mets tout dans le sac. Je veux dire : je ne démêle
pas. Vous lui présentez ces requêtes : c'est bien. En montant la colline (de
Notre-Dame des Bois), je Lui dis : « Ma Bonne Mère, je vous apporte bien des
embêtements », toutes ces rêveries ! Elle est droite, Elle a le jugement sain.
Il ne faut pas Lui expliquer : « Guérissez-moi tel nerf, parce que c'est tel
nerf qui commande telle articulation, qui m'empêche de faire tel mouvement du
pied ». Tout cela, Elle le sait. Ce n'est pas telle maladie, et tel pied, et
telle chose ! Non : « Je suis malade ». Elle me disait un jour : « Ils veulent
me faire travailler la matière : ils n'ont plus que cela ! Elle ne se perd pas
dans les prières compliquées quand Elle prie Notre-Seigneur. Elle dit :
« Jésus ? » ou bien « Mon Fils ? » Il lui dit : « Mère ». Ils se sont compris.
Disons comme les malades le disaient à son Fils : « Marie, Fille de David, ayez
pitié de moi ! » Elle ne dit pas un mot inutile ; Elle ne cherche pas à vous en
faire dire un de plus, tant s'en faut. »
« Je n'ai plus la simplicité de demander comme autrefois tout ce
que les gens me demandaient à la Très Sainte Vierge. Je La prie d'accorder
seulement ce qui leur sera utile. Un jour, une femme, dont le visage était tout
tordu, m'a sollicité de prier la Sainte Vierge de la guérir. Je ne l'ai pas
revue ; mais, quelques semaines plus tard, j'ai demandé à des gens de sa
compagnie si elle n'avait pas été guérie. Ils m'ont répondu que oui, mais
qu'elle ne pensait plus qu'à aller à la danse. Et j'ai dit : « Quand je
redemanderai quelque chose à la Très Sainte Vierge, il fera chaud ! » Elle
n'avait désiré être guérie que pour plaire à ses danseurs. J'ai été bien
attrapé ! »
« Quelles prières Elle reçoit souvent dans la récitation du
rosaire, sans idée des mystères ! Je Lui ai dit une fois : « On Vous offre des
fruits, Bonne Mère, et on Vous donne des feuilles ! » Elle les accepte quand
même. Je comprends que le diable La redoute, car Elle sait attirer la
miséricorde de Dieu sur presque rien. Ce qui importe, c'est de prier. La Sainte
Vierge offre nos prières à Dieu. Elle les embellit ; Elle en fait quelque chose
de plaisant. Elle les dore, même quand ce n'est qu'une misérable ferraille.
C'est une chiffonnière qui est divinement habile ! Elle sait retirer, de là où
on ne voit rien, des chiffons. Elle trouve toujours quelques petites choses, et
Elle les dore. Elle sera la patronne de la Congrégation : j'espère qu'Elle
maintiendra les âmes tout en blanc. On y met les corps (souriant) : qu'Elle y
mette les âmes ! »
« La prière, même faite sans grande attention, est toujours une
prière, et notre sainte Mère parachève ce qui manque. C'est un peu comme les
saints que nous invoquons. Prenons un exemple. Si nous demandons à l'un 10
francs et qu'il ne soit capable de nous en donner que 7, 5 ou 3, cela n'importe
pas : il a recours à la Très Sainte Vierge, qui arrondit le chiffre, et il nous
donne les 10 francs. »
« Elle s'emploie perpétuellement à diminuer nos faiblesses
devant la face de Dieu. Ce qui agit en Elle, c'est Sa bonté, Sa charité. Si Elle
employait la sévérité, nous serions basculés immédiatement ; nous disparaîtrions
devant la face de Dieu. Le démon, criant un jour après moi, qui avais fait ceci
et cela, Elle a répondu : « C'est de la faiblesse humaine ». Elle aime qu'on La
prie avec confiance et qu'on La laisse faire à sa manière. »
« Quand on demande un miracle à la Très Sainte Vierge, et
qu'Elle vous le refuse, Elle dit pourquoi : c'est que le vœu est en
contradiction avec les décrets de Dieu. Le Père donne des ordres, établit
certaines règles, et tout le monde doit s'y conformer. Maintenant, presque
personne ne demande plus de faire la volonté de Dieu. La plupart des prières, ce
sont des ordres : « Mon Dieu, faites ceci, faites cela ». A propos de faveurs
non obtenues, la Très Sainte Vierge me disait : « Vous êtes sur la terre pour
faire la volonté de Dieu, et ma volonté est adéquate à celle de Dieu. » Il est
des choses qu'Elle déplore : Lucifer a obtenu du Père la disparition des
monastères en France... » Elle a donné le motif en soupirant. Si Elle est bonne,
il est rusé. »
« La Mère de Dieu s'incline devant l'autorité du
Pape. »
« La Très Sainte Vierge me l'a dit : beaucoup de chrétiens et de
chrétiennes échappent à l'enfer par Son intercession. Elle promouvoit souvent un repentir quand l'âme se sent arrachée
du corps. Dans ce moment d'extrême détresse, Elle tâche de mettre un sentiment
d'amour de Dieu, de repentir. »
« La Sainte Vierge a horreur du purgatoire. C'est un triste
lieu. J'aime beaucoup prier pour les âmes du purgatoire. La Très Sainte Vierge
trouvait que je ne demandais pas assez pour elles. Elle disait : « J'étends »,
j'étends les grâces sur ces âmes, les grâces que je n'osais demander. Elle m'a
parlé de l'indulgence sabbatine. »
« Saint Bernard connaissait beaucoup, beaucoup la Très Sainte
Vierge. Elle m'en a parlé une fois. »
« Les raisons de la Très Sainte Vierge dans son choix de
Notre-Dame des Bois ? Je ne me suis pas permis de les Lui demander. Elle m'a
montré le bois : cela m'a suffi. On n'est pas grand devant la Sainte Vierge.
C'est la Reine du Ciel. Qu'est-ce que nos petites personnes devant une Majesté
si grande ? Marie, pourtant, régnera sur ce pays-là (la région de Langres) :
Elle en sera la Reine. »
« Il faut mettre toute confiance en la Sainte Vierge. C'est Elle
qui tient le gouvernail. Elle m'a dit : « Je n'ai qu'à demander. Dieu rendra la
paix au monde ». Or, Marie est tellement pleine de miséricorde qu'Elle disait à
un pauvre homme : « Si Dieu, dans sa colère, brisait le monde, je lui en
rapporterais les morceaux. »
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